Souvent lorsque l’on parle de trafic illégal, on pense principalement à celui des animaux. Seulement, les végétaux en sont aussi victimes. Sans même nous en rendre compte, nous pouvons participer à ce trafic lorsque nous achetons des plantes en jardinerie ou bien en achetant des objets en bois dont l’origine n’est pas contrôlée. C’est le cas de l’acajou.
Qu’est-ce que l’acajou ?
Le bois que nous appelons communément acajou appartient en fait à l’espèce Switenia Macrophylla couramment appelé acajou à grandes feuilles. Cette essence appartient à la grande famille des Méliacées. Il se présente sous la forme d’un arbre de 40 à 60 mètres de hauteur et de 80 à 200cm de diamètre. Il possède des grandes feuilles caduques oblongues et lancéolées pouvant atteindre 30 à 50 cm de long. Ses fleurs sont blanches et de petite taille et ses fruits se présentent sous forme de grosses capsules gris-maronné.
Le saviez-vous ?
En Bolivie, l’acajou à grandes feuilles est appelé « mara ».
L’acajou est très apprécié pour sa couleur rouge-rosé. Il est très utilisé en menuiserie, comme ici pour réaliser des tables.
Photo par Jacques Bily
Pourquoi est-il recherché ?
L’acajou est réputé pour son bois de couleur rosée ou rouge. Il très apprécié sa beauté, sa solidité et sa résistance aux moisissures. Ce bois est utilisé, entre autres, pour la réalisation de lambris, de bateau, de meubles ou d’instruments de musique. C’est une des essences les plus commercialisées d’Amazonie. Depuis la fin des années 1950, l’acajou à grandes feuilles a connu un déclin de 70% (Nations Unies, 2003). Menacée d’extinction, l’espèce est classée « Vulnérable » sur la liste rouge de l’UICN. Pour limiter l’impact de la commercialisation sur cette arbre, l’acajou est classé à l’Annexe II de la CITES, réglementant ainsi sérieusement son commerce. En Bolivie, son exportation est interdite depuis 2011.
Et en Bolivie ?
En Bolivie, non loin de Santa Cruz et donc du QG de Thémiselva, se trouve le parc national Amboro. Dans cet espace protégé, poussent parmi les derniers acajous à grandes feuilles boliviens. Nous pourrions penser qu’ils sont entre de bonnes mains. Mais c’était sans compter sur les « pirates du bois », véritables guerillas prêtes à tout pour trouver les derniers acajous, les abattre et les vendre à prix d’or.
Il y aurait environ 7 groupes de 5 à 8 personnes ayant ce but dans le Parc Amboro. Ils sont armés, prêts à tuer quiconque s’opposerait à leurs actions. Ces groupes sont bien organisés : ils partent camper dans les zones les plus isolées du parc pendant plusieurs semaines, pendant que certains coupent le bois, d’autres surveillent l’arrivée des gardes forestiers à l’aide de drones. Quand tout le bois est coupé, il est regroupé sous forme de radeau pour le mettre sur la rivière et le sortir facilement des zones inaccessibles. C’est pourquoi ces « pirates » préfèrent agir à la saison des pluies.
Ces actes ne sont pas isolés. Ce sont de véritables réseaux organisés : de la coupe du bois à sa vente en passant par le transport et la transformation, ce sont finalement des dizaines de personnes qui travaillent dans cette filière. C’est un milieu fortement corrompu au point où les dirigeants des communautés alentours et certains membres du parc n’osent parler voire participent indirectement aux expéditions. Il est donc difficile pour les autorités du parc de lutter contre ces pirates.
Et alors, en quoi est-ce que ça pose problème ?
Plusieurs points sont problématiques dans l’exploitation illégale de ce bois.
Premièrement, comme nous l’avons vu précédemment, l’acajou est une espèce en voie de disparition et l’exploitation illégale de son bois accentue son déclin. Même dans les espaces protégés il n’est pas en sécurité. L’avenir de cet arbre semble donc compromis.
Deuxièmement, d’un point de vue environnemental, la coupe de ces grands arbres, provoque une importante déforestation. En Bolivie, en 2017, selon l’ABT, 258 462 hectares de forêt ont été déforestés dont 52% aurait été fait de façon illégale.
Pour rappel, la forêt tropicale est non seulement l’habitat hôte de nombreuses espèces mais elle joue aussi un rôle dans l’infiltration de l’eau, dans l’absorption du CO2 et elle limite l’érosion. Cette déforestation massive est donc problématique.
Dernièrement, d’un point de vue social, la présence de ces mafias du bois apporte un climat de tension et de violence dans les territoires concernés. Les populations locales sont de plus en plus impliquées dans les réseaux, les gardes des parcs nationaux ne peuvent plus travailler en sécurité, à tout moment ils risquent de se faire tuer. Et visiblement, ces groupes sont de plus en plus nombreux. Il est assez simple de comprendre pourquoi cette activité est si séduisante : elle permet à ceux qui en font partie de gagner en quelques semaines une somme bien plus importante que ce qu’ils pourraient toucher en un mois dans une autre profession. Au cours de chaque expédition, les trafiquants ont un revenu de 30 000 à 80 000 bolivianos (environ 3 880 à 10 340€). Tandis que le salaire moyen bolivien est de 1770 bolivianos (environ 230€).
Certes Thémiselva est davantage investie dans la lutte contre le trafic illégal de faune mais nous souhaitons aussi sensibiliser les populations locales au trafic des végétaux et la destruction de leurs belles forêts. C’est pourquoi, au sein de notre programme « Les Gardiens de la Forêt », nous parlons des arbres. Parce que nous sommes convaincus que plus l’on connaît une espèce, plus on souhaite la protéger.
Dans la vie de tous les jours, nous pouvons lutter contre la déforestation et le trafic illégal de bois en nous renseignant sur la provenance des essences que nous sélectionnons et en priorisant les essences locales, issues de forêts gérées durablement. Maintenant, à vous de jouer !
Si cet article sur l’acajou vous a plu et qu’il y a un autre sujet que vous souhaiteriez que l’on développe, vous pouvez nous laisser un commentaire et nous écrirons un article sur le sujet. A très vite.
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